Syndicats locaux, ça consiste en quoi au fait ?
Par Vincent Meirieu, membre du comité syndical du SNAPEC depuis le 20e siècle
Ce texte n’a nullement la prétention de faire un point fiscal sur les syndicats locaux, les règles de fonctionnement sont connues par à peu près tout le monde (non ?) et MAIDAIS tient à la disposition de chacun un ensemble de fiches en la matière (toutes accessibles dans l’article “travailler à plusieurs” de l’onglet MAIDAIS de votre espace personnel), que je serai bien incapable de rédiger vu ma compétence en matière de fiscalité, aucune association ne porte mieux son nom que celles d’Anne Noiret, la mienne en la matière pourrait s’appeler OSCOURT...
Non, cette missive s’inscrit plus dans une démarche déontologique sur le principe ainsi élaboré, éprouvé et indémontable : en matière de fonctionnement, le cadre collectif impose une responsabilité individuelle de chacun, les « contrevenants » exposant l’ensemble de la collectivité aux remontrances et conséquences induites par leur comportement. Autrement dit, si tu fais n’importe quoi, on va tous en pâtir… Quand tu as de grands pouvoirs, tu as de grandes responsabilités.
Il faut rappeler là les principes fondateurs des syndicats locaux : il s’agit d’une association (au sens non institutionnel) de travailleurs indépendants qui mutualisent des outils de travail pour faciliter la commercialisation de leurs prestations, mais en aucun cas ne doivent sacrifier leur « indépendance » sur l’autel du lien de subordination dans une forme de salariat déguisé et facilement repérable. Il faut bien comprendre donc que le fonctionnement des syndicats locaux s’inscrit dans une forme participative et mutualiste très éloignée de la forme entrepreneuriale d’une SARL qui induit des rapports de subordination/hiérarchie entre les individus de ladite structure.
La structure et la gouvernance d’un syndicat local sont tout autre : sa gestion s’apparente à celle d’une association, avec un bureau directeur élu par les membres et susceptible de se renouveler chaque année.
Cela est finalement très simple, voici les conditions d’exercice « vertueuses » d’un syndicat local voué à la mutualisation des moyens sous la forme communément employée « de bureaux des moniteurs » :
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Le syndicat local appartient à ses membres, qui le dirigent et l’orientent de manière collégiale.
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Les moniteurs sont tous indépendants.
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Les moniteurs doivent garder la main sur leur activité, en participant dans une certaine mesure à l’organisation des prestations qu’ils ont en charge et commercialisées par le bureau.
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Les éventuels bénéfices réalisés par le syndicat local sont nécessairement redistribués et / ou dépensés dans le cadre de son fonctionnement.
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Le matériel peut-être collectif en considérant alors qu’il est à la fois à tout le monde et à personne, mis à disposition dans le cadre du Syndicat, dans le respect de la gestion collective des EPI partagés.
Ok mais concrètement ? Facile, un moniteur qui reçoit la veille à 22H un SMS lui faisant mention du RDV avec ses clients, le nom, l’horaire du RDV et la durée de la sortie, n’est pas un travailleur « indépendant » : le lien de subordination peut-être établi en raison du manque d’autonomie dont il fait preuve dans la réalisation de ses prestations. Pour peu que le matériel soit fourni par le Syndicat, on est clairement sur un modèle économique qui ressemble à un modèle d’entreprise classique type SARL, assujettie à l’obligation de salarier dans ce contexte là, ainsi qu’à celle de payer la TVA.
Bof, pas de risque ? Sauf celui de se trouver requalifié en société, comme certains en ont fait les frais au cours des dernières années…
Et il n’y a pas que cette exposition au risque fiscal, il y a également la concurrence déloyale subie par les sociétés et autres structures commerciales, bien assujetties quant à elles à une imposition plus contraignante.
Il faut bien rappeler que le statut de syndicat local est un privilège arraché par le SNGM et les rouges (entendre là les moniteurs de ski et non les communistes bien sûr, modèle bien éloigné il faut bien le reconnaître) qui permet une forme de fiscalité très allégée et la mutualisation de travailleurs indépendants attachés (peut-être à tort mais c’est un autre débat) à leur statut. Et rappeler que le respect des règles conditionne la pérennité de ce statut fragile et d’autant plus pour nous, et que l’escalade ne fait pas partie des activités à l’origine suscitées dans l’accession à ce sésame. Nous bénéficions de ce droit au titre de l’environnement spécifique, une partie de l’escalade y étant rattachée… Rappeler aussi que notre syndicat n’a pas la force des rouges pour défendre les syndicats locaux quand il se situent à la marge d’un fonctionnement académique, comme c’est le cas des écoles de ski, qui pour certaines (on a le droit de le dire), certes, ont un modèle qui ne flattent pas vraiment l’autonomie des moniteurs…
Au delà de ce privilège, le statut de Syndicat Local doit s’inscrire je pense dans une philosophie, celle des bureaux autogérés, où les moniteurs sont à la fois prestataires et organisateurs de leur prestation, toute autre forme de fonctionnement s’apparentant à un modèle plus entrepreneurial, un syndicat local ne doit pas être seulement motivé par des soit disant intérêts fiscaux qui au fond n’en sont pas vraiment au vu des contraintes associées auxquelles on se doit de ne pas déroger dans l’intérêt de tous... Rappelons ici en passant que la fiscalité est ce qui permet de financer des hôpitaux ou de constituer des Fonds de Solidarité, en cas de pandémie mondiale par exemple...
La question du paiement des moniteurs dans les Syndicat Locaux se pose également ; on oppose à juste titre deux façons de faire :
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Le paiement au forfait : le moniteur est payé toujours le même prix quelque soit le nombre, ou la prestation et surtout le prix de vente de la prestation. Ex : un canyon pour 8 vendu 480 euros (60 par Pers), et le moniteur est payé 300 euros ; Le même canyon vendu pour 6 et le moniteur est payé toujours 300 euros. Pourtant la marge est bien différente dans les deux cas.
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Le paiement au pourcentage : le moniteur est payé le prix vendu moins un pourcentage de retenue défini par le Syndicat (en 7 et 20 pour cent souvent). Si la marge augmente, le CA du moniteur augmente avec elle mécaniquement.
Il apparaît clairement que ce deuxième système est de loin le plus vertueux et acceptable sur le plan philosophique dans le cadre de ce fonctionnement qu’on souhaite collégial et surtout adapté aux travailleurs indépendants. Le forfait s’apparente à une forme de salaire, clairement. Et il nous semble pouvoir dire que les Syndicats qui fonctionnent de la sorte trouveraient dans certaines formes entrepreneuriales un fonctionnement plus adapté à leurs aspirations, le reste n’étant qu’avantages fiscaux qu’il convient de dénoncer avec l’intention de protéger les syndicats locaux dans leur ensemble, sous peine de discréditer l’ensemble des bureaux, y compris ceux qui jouent le jeu.
Mais il faut bien signaler aussi que le système du forfait peut parfois avoir cet avantage pour les syndicats locaux de permettre aux moniteurs de sortir quel que soit le nombre pour un tarif similaire, ce qui permet une forme d’équité dans la structure, tous les moniteurs se trouvant à la même enseigne quand les groupes sont de taille inégale. Ce système est bien sûr vertueux quand la somme des retenues (qui correspond au prix de vente moins le forfait moniteur) permet de financer les sorties « déficitaires » (où il y a trop peu d’inscrits pour payer le forfait moniteur qui sera complété donc par la retenue plus importante sur la sortie « bénéficiaire »).
Il faut bien rappeler aussi que les syndicats locaux ne font aucun bénéfice… Et que les sommes retenues quel que soit le type de paiement du moniteur sont destinées au paiement des charges de gestion, et donc en cas de bénéfice, redistribuées à TOUS les moniteurs, c’est la condition de fonctionnement au forfait. Donc, en cas de paiement au forfait, et c’est le cas des moniteurs de ski, à la fin de la saison il est effectué une régulation visant à « rendre » aux moniteurs le trop plein perçu, dans une forme de calcul, d’algorithme qui donne le vertige rien que d’y penser, OSCOURT.
Bien dire là aussi que le travail de comptabilité, gestion fiscale, organisation des plannings, missions exceptionnelles, communication, etc… effectué par les moniteurs, et revêtant un caractère singulier (les moniteurs étant par ailleurs naturellement investis au collectif de tâches courantes de gestion et d’organisation non rémunérées directement) peuvent faire l’objet bien sûr sur facture de rémunérations compensatoires régulières et totalement légitimes.
Il me semble que le paiement au pourcentage s’inscrit complètement dans la logique de bureau : un moniteur mieux payé (souvent, en tous les cas quand il s’agit de clients individuels) mais avec une contrepartie évidente qui est la forme d’autonomie qu’on lui demande à travers les contraintes administratives et fiscales inhérentes à son statut d’indépendant (très limitées s’il était salarié bien sûr), et à travers l’investissement en matière d’organisation a minima (et voir plus sur la structure) de sa séance dans l’absence de lien de subordination.
Insistons par ailleurs sur ce sentiment du collectif et l’investissement ainsi généré dans les syndicats locaux qui mettent en oeuvre ces principes de mutualisation et d’autogestion, portant ainsi avec honnêteté les couleurs et l’appellation de bureau dont les bureaux des Guides (La Grave en tête de ligne) avait naguère vanté les mérites.
Tout cela n’excluant pas bien sûr le recours à des locaux ou une secrétaire, dans le respect des principes fondateurs des syndicats locaux, à savoir par des moniteurs et pour des moniteurs, formule qu’il faut inscrire au fronton de nos structures quand c’est réellement le cas, une activité gérée par ses acteurs, directement du producteur au consommateur…