Réduction du risque, renoncement et analyse des erreurs

Présentation de la méthode Munter ou "3x3"

Par Etienne Peloille, membre du comité syndical du SNAPEC.

Notre communauté professionnelle s’est confrontée récemment à plusieurs situations accidentogènes, dont l'intervention doit nous inciter à réfléchir collectivement sur les principes de réduction du risque, de renoncement et de reconnaissance des erreurs.

Nous avons constaté à plusieurs reprises que certaines de ces situations auraient pu être évitées. La « méthode Munter », du nom de son inventeur, créée à la base afin de gérer le risque en milieu enneigé (lien vers le site de l'ANENA), peut être adaptée au profit de nos activités de canyonisme et d'escalade.

L'idée générale de la méthode Munter, aussi appelée "3*3", est fondée sur une analyse du risque en trois parties :

  • l'analyse régionale, faite à la maison, lors de la préparation de la sortie ;  

  • l'analyse locale, faite sur le parking et/ou au départ de l'activité, avant d'attaquer la sortie ;

  • l'analyse zonale, faite sur le terrain, tout au long de l'activité, notamment lors des passages clés.

Prenons le cas de l'activité canyonisme :

La première analyse « régionale » doit prendre en compte :

  • les conditions météo et aquatiques du moment,

  • la configuration du terrain (encaissement, possibilité de sortir ou de se mettre hors crue...),

  • les facteurs humains (niveau théorique des participants, taille du groupe).

Si l'analyse de ces différents facteurs montre que tout semble jouer en votre faveur, alors il est possible de passer à l'analyse locale. Si un des facteurs semble être aléatoire mais pas rédhibitoire, la seconde phase d'analyse devra être d'autant plus étudiée. Dans le cas où deux des facteurs sont incompatibles alors, le renoncement semble de mise.

La seconde analyse « locale » doit prendre en compte :

  • les conditions     générales, notamment le niveau d'eau, la température, la météo locale ainsi que les éventuels signaux d'alarme (mouvement d'eau, émulsions aux pieds des cascades, bruit d'eau inhabituels...),

  • le terrain est-il en rapport avec ce qui a été imaginé lors de l'analyse régionale,

  • le facteur humain, notamment sur la condition physique des participants, l'heure de départ et la présence d'autres groupes.

Dans le cas où certains éléments de cette seconde analyse ne semblent pas jouer en votre faveur, il faut alors se poser la question du changement d'itinéraire ou du renoncement à la sortie.

Si tous les signaux sont au vert, alors il semble possible de passer à la phase d'analyse plus fine dite « zonale ». Celle-ci doit prendre en compte :

  • les conditions, notamment l'augmentation du débit, la visibilité, l'évolution de la météo et des températures,

  • le terrain, notamment l'adaptation du franchissement des obstacles en fonction des conditions et des facteurs humains, risque aquatique dûs aux mouvements d'eau, sortie ou mise hors crue possible,

  • le facteur humain, notamment le niveau de fatigue et de discipline du groupe et plus particulièrement de l'élément le plus faible ainsi que la mise en place de mesures de précautions (installation de main-courantes,     contournement d'obstacles...).

 

La méthode de Munter, ici très largement simplifiée pour une meilleure lisibilité, arrive à la conclusion que si les trois analyses arrivent à des résultats positifs, alors les conditions permettent d'envisager la sortie avec une prise de risque « socialement acceptable ». Pour autant, cela ne signifie pas qu'il n'y a aucun risque.

Si les différentes analyses montrent d'éventuelles contraintes dues aux conditions, au terrain ou à l'humain, il semble opportun de réfléchir à un changement d'itinéraire ou au renoncement à la sortie.

Un point non abordé dans l'analyse et le potentiel renoncement est celui de la mise en place des secours. En effet, même si les facteurs humains et le terrain permettent une sortie avec une prise de risque « socialement acceptable », il faut garder à l'esprit qu'en cas de conditions défavorables, la mise en place d'un secours peut être longue et complexe.

Il nous semble aussi important de rappeler que dans le cas de notre pratique professionnelle, le paramètre financier, aussi important soit-il, ne doit jamais entrer en jeu dans ces analyses, au risque de biaiser, même involontairement, les résultats.

Dans le cadre de nos activités professionnelles, nous sommes responsables de nos actions et de notre sécurité et évidemment de celles de nos clients. Même si ces derniers peuvent parfois avoir un comportement « bizarre », les actions réalisées par ces derniers doivent venir de consignes claires et strictes ne laissant aucune place à l'improvisation ou interprétation, notamment sur le public « touristique » qui a très généralement une expérience très limitée voir inexistante.

Malgré l'indication des consignes de sécurité, l'accident reste possible et tout le monde peut y être confronté. Il est alors important d'analyser la situation à tête reposée, en reprenant les choses dans l'ordre, de la préparation de la sortie à l'accident. En effet, les accidents graves arrivent généralement suite à une succession de petites erreurs, qui intrinsèquement ne sont pas choquantes, mais qui cumulées, peuvent faire arriver au pire.

Cette analyse est donc indispensable dans le cadre d'une remise en question des pratiques et habitudes de chacun afin de prévenir d'une situation semblable.

 

Le syndicat est à vos côtés en cas de besoin pour vous accompagner dans cette analyse.

Réduction du risque, renoncement et analyse des erreurs