Jugement définitif accident escalade de Vingrau

Extrait du jugement : Motifs de la décision

Sur la responsabilité

L’article 1384 alinéa 1 du code civil institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage, sauf à prouver qu’il n’a fait que subir l’action d’une cause étrangère, le fait d’un tiers ou la faute de la victime présentant les caractères de la force majeure.

La lecture du procès-verbal de gendarmerie révèle que, venu pour faire de l’escalade dans le secteur de Vingrau pendant le week-end de Pâques, M. AT a entrepris la montée de la voie au lieu « La Fontaine aux Charettes », commune de Vingrau, assuré par Mme RE, qu’à 5 mètres de hauteur il a posé sa main sur un rocher et s’est hissé en tirant sur sa prise, que le rocher s’est désolidarisé entraînant sa chute et blessant gravement sa compagne au bras droit ; l’un des participants à une seconde cordée, témoin des faits, précise que « M. AT a exercé une prise sur un bloc de pierre qui s’est détaché de la falaise, un des blocs est tombé sur l’amie de Jacques, ce dernier est tombé avec les blocs.. Les voies empruntées étaient déjà équipées de matériel pour l’escalade. Les voies m’ont paru en bon état, l’équipement était bon ».

Ces circonstances engagent la responsabilité de la FFME.

Ce rocher de la voie d’escalade a été l’instrument du dommage.

Les données de la cause établissent qu’au moment de l’accident, la FFME disposait sur cette chose des pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction qui caractérisent la garde.

En effet, suivant convention en date du 13 juillet 1990 intitulée « autorisation d’usage de terrains en vue de la pratique de l’escalade » la commune de Vingrau propriétaire de terrains qui, "en raison de leur situation, de leur nature et de leur conformation, sont tout spécialement favorables à la pratique de l’escalade « , a confié à la FFME » leur usage en vue de leur ouverture à la pratique de cette activité sportive. La FFME installera à ses frais les équipements de sécurité et les balisages conformément aux techniques et usages en matière d’escalade".

Son article 1 définit précisément les terrains en cause à savoir « La Grenasse » B 1756 pour une surface de 6 ha 62 a 00 ca et « Les Couillets » B 1110 pour une surface de 8 ha 50 a 35 ca, le lieu de l’accident se situant sur la première parcelle.

Son article 12 précise que « le propriétaire confie à la FFME qui accepte la garde du site et des biens visés par la présente convention. La FFME s’engage à entretenir le site visé par la présente convention en bon état et à veiller à la sécurité des usagers et des tiers » ; il opère un renvoi en bas de page précisant "toute personne est, a priori et en l’absence de faute ou d’imprudence, responsable des dommages causés par les choses dont elle a la garde ; le fait de confier cette garde à la FFME a pour effet de reporter sur celle ci les présomptions de responsabilité qui, par défaut, sont celles du propriétaire."

La FFME ne peut prétendre avoir perdu la garde de la chose qui serait revenue à son propriétaire en raison d’interventions effectuées en juillet 2009 par la commune de Vingrau sur le site objet de la convention ; d’une part, le contrat ne prévoit rien de tel et se borne à inviter le propriétaire à « s’abstenir de modifier les conditions de sécurité sans avoir au préalable recherché et obtenu l’accord de la FFME et à s’abstenir d’autoriser des tiers à modifier les équipements de sécurité »pitons, scellements, anneaux, chaînes sans l’agrément de la FFME", sous peine d’engager sa responsabilité contractuelle à son égard ; d’autre part, et même à les supposer avérées (ce qui est contesté), ces interventions n’étaient susceptibles de modifier les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle conférés par la convention restée en cours que temporairement, pendant l’exécution d’éventuels travaux et de leurs suites immédiates; or l’accident s’est produit plus de huit mois plus tard, à l’issue de toute une saison d’automne et de toute une saison d’hiver, étant souligné que l’origine de la chute de M. AT ne réside pas dans une défaillance des équipements de sécurité mais dans le détachement d’un rocher sur une voie d’escalade en bon état d’entretien.

La FFME, qui a conservé la garde de cette chose, ne peut se prévaloir d’une cause d’exonération de la responsabilité de plein droit qui pèse sur elle.

L’absence de faute du gardien ne lui permet pas d’échapper aux conséquences de cette responsabilité.

Aucun élément de la cause ne permet de retenir une cause étrangère, le fait d’un tiers ou de la victime présentant les caractères cumulés d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité.

La faute des victimes n’est pas alléguée, l’un étant guide de haute montagne et l’autre pratiquante régulière d’escalade depuis une vingtaine d’années.

Le fait d’un tiers ayant concouru à la production du dommage, dont la charge de la preuve pèse sur celui qui l’invoque, n’est nullement établi. La FFME se borne à produire un document intitulé « Pole d’excellence rurale Comité de pilotage n° 3 3 juillet 2009 Communauté de communes Agly Fenouillères » prévoyant une « opération 2 Activité Escalade Route de la grimpe » qui mentionne « voies vérifiées Vingrau : 400 » et le dossier de recollement "Route de la Grimpe Agly Fenoullèdes création et entretien de sites d’escalade (lot n° 1)« dressé par le groupement professionnel Colla-Fillol-Rocque qui prévoit un »Contrôle/Entretien du site Falaise Vingrau 2« pour notamment »un contrôle et une mise en sécurité partielle du site et accès contre les éboulements rocheux contrôle et vérification des voies existantes. Fin des travaux 10/07/2009" ; rien ne permet de dire que l’un des noms des voies qui figurent sur le tableau contenu dans ce document correspond à celle où s’est produit l’accident.

Le détachement du rocher résultant du vice même de la paroi, et donc du caractère intrinséque de la chose, la FFME ne peut se prévaloir d’un cas fortuit ou de force majeure.

Elle est donc tenue de réparer l’intégralité de ses conséquences dommageables in solidum avec son assureur, la Sa Allianz, qui ne conteste pas sa garantie.

Parution : 21/01/2019

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